Nous sommes avertis : « mes pensées ne sont pas vos pensées » (Is 55, 8). Cet avertissement, reçu en entendant la première lecture de ce dimanche, peut nous aider à approfondir la parabole des ouvriers de la onzième heure tirée de l’Evangile selon saint Matthieu. En évitant de réduire le sens de cette parabole à une leçon de droit du travail, pour au contraire tenter d’entrevoir le dessein de Dieu dans lequel Jésus veut nous faire entrer.

Notons pour commencer que la parabole est utilisée par Jésus pour parler du Royaume : « Le Royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine … » (Mt 20, 1). Cet propos liminaire introduit au sens de la parabole. C’est à ce Royaume, c’est-à-dire au salut, que Dieu veut mener l’homme. La pièce d’argent, récompense unique donnée même à celui arrivé à cinq heures, est en réalité bien plus que le salaire auquel la parabole fait référence. Elle est le don de la vie, dès maintenant et pour toujours. Le Christ livre d’ailleurs cette parabole au moment où il s’apprête à monter à Jérusalem, c’est-à-dire à mettre en œuvre par sa mort et sa résurrection ce plan d’un Dieu qui veut pour chacune et chacun le bonheur éternel.

Ce qui est destiné au dernier arrivé comme à celui embauché dès l’aube, c’est la plénitude du don que Dieu veut faire à tout homme. La plénitude de la vie, pour chacun, donnée par pure grâce, à celui qui suit le Christ par l’obéissance de la foi depuis peu, comme à celui qui le suit depuis toujours.

Nous comprenons alors que si la pièce d’argent est donnée quel que soit le temps travaillé, le salut lui aussi est entièrement donné quel que soit le moment où l’homme a commencé à suivre Jésus. Saint Paul le dira, autrement, mais avec autant de force : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Ep 2, 8).

Père Emmanuel Tois