Qui sont ces hommes que Jésus traite d’hypocrites dans ce célèbre passage de l’Evangile lu ce dimanche (Mt 22, 15-22) ? Des Pharisiens, accompagnés de partisans d’Hérode (Mt 22, 16 et Mc 12, 13). Première hypocrisie, ils ont en commun d’espérer que Jésus enseigne de ne pas pas payer l’impôt, mais les uns ont comme objectif de livrer Jésus à l’autorité et au pouvoir du gouverneur (Lc 20, 20), alors que les autres, partisans d’Hérode, détestent cette autorité romaine qui rogne leur pouvoir !

Vingt siècles plus tard, l’enseignement de Jésus vaut toujours. Et il s’adresse à nous. « Montrez-moi la monnaie de l’impôt », commence par répondre Jésus (Mt 22, 19). Vous voudriez bien que je recommande de ne pas payer l’impôt. Je m’opposerais ainsi à l’empereur, ce qui serait utile à votre entreprise de me conduire rapidement à la mort. Mais cet argent, vous l’avez-vous-même en poche, vous y êtes attachés, vous ne voulez pas le rendre à César parce que vous voulez le garder pour vous. Ce n’est pas parce qu’il est l’argent de César qu’il faut s’en méfier. C’est parce qu’il est l’argent tout court. Vous aimez cet argent. Or je vous l’ai dit depuis longtemps, « vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » (Mt 6, 24). Il n’est pas inutile de nous interroger nous aussi, à travers ce texte, sur notre propre rapport à l’argent et aux bien matériels. En sommes-nous esclaves ou les utilisons-nous pour servir ?

En second lieu, nous voyons bien que Jésus refuse d’entrer dans la question enfermante qu’on lui pose. Il a compris qu’on l’invitait moins à se positionner « pour » que « contre ». Cette tentation-là guette sérieusement nos communautés. Les temps que nous vivons, troublés sur le plan géopolitique, nous poussent parfois à nous replier sur nous-mêmes en cherchant à identifier des ennemis. Si nous n’y prenons pas garde, ce repli peut monter en puissance et encourager le conflit. L’ennemi n’est plus l’occupant romain, mais il en faut toujours un, coûte que coûte, et il faut l’éliminer. Pourtant, la légitime compassion pour ceux qui souffrent de persécutions, fût-ce au nom de Jésus ne doit pas nourrir la haine envers ceux qui les persécutent. Nous devons nous rappeler que Jésus nous a enseigné l’amour de nos ennemis. Nous savons bien que « maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche (Is 53, 7). Si nous discernons des ennemis, nous sommes invités à souhaiter alors leur conversion et leur salut, et même à prier pour cela. Jésus est venu pour le salut de toute l’humanité, non pour en sauver une partie contre l’autre. La prière de l’Eglise nous le rappelle constamment : « Dieu qui as envoyé ton ange au centurion Corneille pour lui montrer le bon chemin, donne-nous de travailler au salut du monde : qu’avec l’humanité tout entière, en communion à ton Église, nous parvenions jusqu’à toi » (Liturgie des heures, office du milieu du jour, le mardi).

Bonne semaine !

Père Emmanuel Tois