Dans le passage de l’Evangile de Marc que nous entendons ce dimanche, la chronologie est celle-ci : Jésus est poussé par l’Esprit dans le désert, où il reste quarante jours et où il est tenté par Satan. Il part ensuite pour la Galilée et proclame l’urgence de la conversion.
Cette chronologie est une vraie pédagogie spirituelle. Si nous en avions le temps, nous devrions tous nous retirer. Ne le pouvant, faisons de notre prière, en l’intensifiant, un désert. C’est à dire prions sans (trop) parler, pour écouter Dieu. Il veut assurément nous dire sa confiance en nous, son espérance, et même son amour. « Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur, et je t’aime » (Is 43, 4). Ce désert, ce silence dans notre prière, sont une nécessité pour nous permettre de faire descendre ces paroles -et tant d’autres- de notre esprit à notre cœur ; pour nous donner d’éprouver cet amour, de le ressentir. Nous comprendrons alors que Dieu ne se résout pas à ce qu’il y a de plus laid en nous.
Le désert avant la conversion ? En fait non. Les deux se vivent ensemble. Si dans ce désert que ma volonté suscite (c’est peut-être là qu’il faut faire un vrai effort de Carême), j’écoute Dieu qui me parle, si, grâce à l’Esprit qui moi aussi me pousse, je sors vainqueur des tentations, en particulier celle de croire que Dieu n’est pas là, qu’il ne m’écoute pas, que je n’ai aucun intérêt pour Lui, alors, déjà, la conversion sera en marche. Et je ne serai plus seul pour déployer mes efforts de partage, de jeûne et de prière. Dieu en effet me fortifiera dans ces efforts qui, enfin, dureront tout un Carême et bien au-delà.
Je prendrai aussi conscience de mon péché, le vrai, pas celui auquel je réfléchis parfois trente secondes avant de rencontrer un prêtre parce qu’il faut bien se confesser. Et fort de l’espérance pascale, j’éprouverai déjà que mes ténèbres sont vaincues, que Dieu ne cesse jamais de vouloir faire advenir en moi ce qu’il y a de plus beau. Je creuserai en moi le désir de jeûner de ce péché, le jeûne qui plaît à Dieu.
Alors, chiche ? Tous au désert ! Bon et saint Carême.
Père Emmanuel TOIS