J’ai récemment vu la tristesse d’un enfant. « Je suis triste parce que maman m’a appris qu’un de mes amis était mort » me dit, entre deux sanglots, un enfant du caté. « Quel ami ? » « Józef, un SDF que je rencontrais devant Carrefour ».

J’ai aussi entendu une personne de notre tournée de rue raconter son malaise lorsqu’elle rentrait chez elle après les maraudes.

J’ai encore entendu des reproches à propos de la cabane construite devant l’église, dans laquelle s’abrite une personne de la rue que tous connaissent bien ici. Reproches contre la puissance publique qui permet encore que des personnes dorment dans la rue, reproches contre l’Eglise qui ne suscite plus d’abbé Pierre pour mobiliser contre la pauvreté, reproches contre moi qui laisse des personnes de la rue manquer de respect à un lieu saint alors que je pourrais définir des règles du jeu, à propos des déchets, à propos des lieux d’aisance, et même à propos de la vie sexuelle des personnes qui vivent dehors !

J’ai également entendu les réactions de telle ou telle personne aux messages du pape sur les migrants, déplorant que le souci des migrants se fasse au détriment d’une attention à d’autres formes de souffrance, tout aussi lourdes.

Toutes ces questions sont légitimes. Elles nous bousculent de bienheureuses bousculades. Car c’est l’Evangile qui est en question. Et si cette Bonne nouvelle est libération de l’homme, libération du mal, de la souffrance et de la mort, c’est par l’Evangile que nous pourrons nous positionner justement face à ces multiples situations. Tous. Pas pour reprocher à notre voisin, notre belle-soeur, nos paroissiens, l’Etat, la ville de Paris, le curé, le pape, qui sais-je encore ?, de ne pas faire ce qu’il faudrait, mais en nous demandant à nous-mêmes, à la lumière de la Parole de Dieu, dans le secret de notre cœur et de notre prière, quoi changer dans nos vies pour illuminer le monde. Il s’agit de nous convertir. A l’orée du Carême, ces bousculades sont vraiment bienheureuses. Elles sont … une grâce.

Père Emmanuel TOIS