Trois cyclistes, et je suis l’un d’eux. Boulevard saint-Michel, en direction de Denfert-Rochereau, j’en entends un deuxième interpeller une piétonne : « Madame, c’est très dangereux ce que vous faîtes. Vous traversez en dehors des passages protégés, j’ai failli vous percuter ». « Il est gonflé », me dis-je quelques secondes après, le voyant brûler un feu rouge.

Je le retrouve à Port royal, contraint de s’arrêter au feu rouge compte tenu de la densité de la circulation. Et là j’écoute, ébahi :

 « Etes-vous croyant ? », lance le troisième cycliste, que je n’avais pas encore remarqué.
 « Non, pourquoi ? »
 « Parce que si vous l’aviez été, je vous aurais bien rappelé l’histoire où Jésus reproche à quelqu’un de vouloir enlever la paille de l’œil d’un autre, quand lui-même a une poutre dans son propre œil »
 Pff … »

Feu vert, tout le monde redémarre. Arrivé à Alésia (depuis qu’on lui rapporté les paroles de Jésus, le cycliste téméraire n’a plus grillé un seul feu rouge) il me dit, m’ayant reconnu :

 Il est parti, l’autre ?
 Oui, il a tourné à Denfert.
 Et vous, vous êtes croyant ?
 Oui. Je suis prêtre.
 Tout à l’heure, je lui ai menti. J’entre chaque jour prier dans une église. Mais tout à l’heure, je n’ai pas pu rester, car il y avait un enterrement. Je ne sais pas qui était mort, mais les gens avaient l’air vraiment mal. Vous prierez pour eux ?
 Promis, et pour la personne défunte aussi.
 Merci. Au revoir, m’sieur l ‘prêtre.

Père Emmanuel TOIS