Paris, le 21 mars 2020
Chers amis soignants,
Je tenais tout d’abord à vous remercier d’être en première ligne pour secourir nos concitoyens. Vous retrouvez le sens profond de votre vocation : soigner vos frères humains qui sont dans la détresse. Alors que tant de personnes ont quitté la grande ville et travaillent à distance, vous êtes tous bien présents au front avec courage et dévouement. J’espère profondément que la nation saura s’en souvenir quand les temps seront meilleurs.
Il peut arriver devant l’afflux des malades que vous soyez confrontés à de vrais problèmes de conscience. Lorsque ceux-ci seront plus nombreux que les respirateurs qui peuvent leur sauver la vie, vous pourrez être amenés à faire des choix douloureux. Il ne faut surtout pas parler, comme je l’entends quelquefois, de faire un « tri » entre les malades. La fin recherchée qui est de sauver la vie ou de soulager le patient, est commune à tous. Les moyens pour y parvenir doivent être proportionnés à la réalité sanitaire.
Le Pape saint Jean Paul II dans son encyclique l’Évangile de la vie nous donne des clés de compréhension : « Il est certain que l’obligation morale de se soigner et de se faire soigner existe, mais cette obligation doit être confrontée aux situations concrètes ; c’est-à-dire qu’il faut déterminer si les moyens thérapeutiques dont on dispose sont objectivement en proportion avec les perspectives d’amélioration » (EV n°65). C’est donc votre discernement concerté entre soignants qui, devant ces situations concrètes, permettra d’ajuster la réponse en fonction de l’état du patient et de ses chances objectives de survie. Cela relève de votre compétence et de votre responsabilité.
Comme tous nos concitoyens, je vous fais confiance, vous remercie encore de votre implication généreuse et, si vous le souhaitiez, mes frères prêtres et moi-même, nous nous tenons à votre disposition pour vous soutenir spirituellement s’il en est besoin ainsi qu’auprès des mourants, des malades et de leurs familles.
Soyez assurés de ma prière et de ma reconnaissance.
+Michel Aupetit
Archevêque de Paris