Chère Marie,
Tu te souviens, Marie, lorsque j’avais environ six ans et que je m’agenouillais devant cette belle image de toi en implorant, de toute mon âme d’enfant, ton pardon et ta bienveillance ? Je répondais au chapelet en famille, à tous les soirs, avec l’aide d’un animateur à la radio, et je t’avais même monté une petite grotte tout en fleurs de papier dans un coin de ma chambre.
Adolescente, je chantais tes louanges : « C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau… » ou encore « J’irai la voir un jour… »
Un peu plus tard, lorsque j’ai accouché de mon premier enfant, je pensais souvent à toi et à la souffrance que tu avais accueillie dans ta vie. Je découvrais à quel point une mère peut aimer et combien ça peut faire mal d’aimer.
Et puis, il y a eu ces années de silence. Je ne t’avais pas complètement oubliée, mais je ne savais plus me situer devant toi. J’étais si occupée et le monde changeait trop vite autour de moi.
Maintenant j’ai quarante ans et j’ai le goût de te re-découvrir.
Tu sais, depuis plusieurs années, nous fêtons la journée internationale de la femme. Eh bien, en mars dernier, lors d’une assemblée de femmes, je me suis posée une bonne question.
Il y avait plusieurs photos de femmes qui garnissaient les murs du local où nous étions. Nous rendions hommage à toutes les femmes qui avaient lutté un jour ou l’autre pour plus de justice ou de paix dans le monde. Et je me suis demandée : « Où est Marie ? »
Toi, qui as certainement fait faire un grand pas à l’humanité, tu n’étais même pas invitée à la rencontre. Pourquoi ? Peut-être es-tu devenue prisonnière de certaines images qu’on t’a données ? Peut-être faudrait-il poser sur toi un regard neuf et te présenter avec des mots neufs ?
Il me semble que nos préoccupations modernes ne te sont pas si étrangères.
N’étais-tu pas un peu troublée lorsque tu as consenti à devenir la mère du Messie ? Qu’as-tu vécu lorsque Joseph, ton fiancé, pendant un moment, hésita à te considérer comme sa femme ? Tu étais bien jeune…
Tu as connu la pauvreté aussi…toi, l’épouse d’un simple charpentier. Tu ne te plaignais pas…, mais obligée d’accoucher dans une étable, loin de chez toi…ce ne pouvait pas être facile.
Plus tard, lorsque Siméon, le vieillard, t’a prédit que tu serais une mère de douleur… Moi, j’aurais été bien ébranlée.
Encore pire, lorsque tu as suivi Joseph en Égypte parce qu’Hérode voulait faire mourir ton enfant… Quel courage cela a dû te demander !
Oh ! Et puis, lorsque Jésus avait douze ans et que vous étiez montés à Jérusalem pour fêter la Pâque, il resta en arrière, à ton insu… J’imagine ton désarroi.
Si les femmes d’aujourd’hui connaissent la peur, l’angoisse, l’inquiétude…tu en as bien eu ta part, chère Marie.
Il y avait certes de bons moments aussi. Aux noces de Cana, c’est bien toi qui as pris les devants, pour signaler à Jésus l’impasse de la fête, et c’est encore toi qui as invité les serviteurs à s’en remettre à sa parole. Attentive aux besoins de tes proches, tu avais déjà l’audace de croire au vin nouveau.
Forte et solide, tu étais toujours là, debout, au pied de la Croix…
Tenace et persévérante, tu étais encore là au cénacle, à Jérusalem, le jour de la Pentecôte.
De plus, veuve assez jeune, tu aurais, j’en suis certaine, des choses importantes à dire à ce sujet… non ?
Alors Marie, je t’invite à la prochaine réunion.
Entre-temps, je continue à me vouloir plus proche de toi, plus solidaire…et je te salue, femme bénie entre toute les femmes.