« Le Maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête ! » : la conclusion de cette parabole est pour le moins surprenante. Le commentaire qui suit précise un peu les choses : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. »
Deux valeurs sont donc mises en regard, l’amitié et l’argent, l’une ouvrant l’éternité, l’autre appelé à disparaître, mais pouvant servir la première. Le texte est une suite de jeux de mots sémitiques sur l’argent (Mamôn) et « ce qui est digne de confiance », « ce qui est vrai » (racine Aman en hébreux). C’est cela qu’il faut retenir : ne pas servir l’argent mais s’en servir pour créer des relations. C’est l’habilité de l’intendant malhonnête de la parabole, il utilise l’argent pour nouer des relations qui l’accueilleront dans leurs maisons quand il sera renvoyé de sa gérance. Cependant, Jésus n’en reste pas là, il ne nous donne pas une recette pour assurer un toit sur nos vieux jours. Il veut que ces amis nous accueillent dans « les demeures éternelles ».
Quels amis ? La pratique de l’aumône ne saurait être une complaisance soulignant surtout l’écart entre celui qui donne et celui qui reçoit. Faire l’aumône suppose d’entrer en relation avec celui qui reçoit. Echanger une parole, connaître son nom et ce qui préoccupe l’autre a autant de valeur que la somme qu’on partage.
Quelles demeures ? C’est la seule fois dans la Bible que cette image des demeures éternelles désigne le salut. Elle fait écho à la promesse de Jésus à ses disciples au cours du dernier repas : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jean 14, 2-3). L’amitié avec les pauvres n’est pas séparable de l’amitié avec Jésus. Alors soyons filous, détournons l’argent qui semble nous soumettre, pour l’asservir à nos relations.
P. Vincent Thiallier