« Dans l’Esprit, [Jésus] fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable » (Luc 1, 1-2).
Il peut arriver que des chrétiens rêvent d’une vie de Foi paisible, tournée vers Dieu et le service des autres sans que survienne de contradictions. L’évangile qui ouvre le temps du carême vient nous rappeler que cela n’est qu’un rêve. Si Jésus lui-même est conduit dans l’Esprit pour être tenté par le diable, pouvons-nous imaginer qu’il en soit autrement pour nous. Assumer sa vie chrétienne, c’est assumer une vie inconfortable, de lutte contre les tentations. Or deux attitudes opposées risquent de nous en détourner, le scrupule et le cynisme.
Le scrupule de celui qui prend la moindre tentation pour une faute et qui multiplie les barrières pour se protéger, prenant le risque de s’isoler et de se rendre indifférent au sort des autres. Si Jésus est conduit au désert par l’Esprit, il nous montre que la vocation même de l’humanité est d’affronter les épreuves. L’inquiétude, qui conduit au scrupule, n’est jamais bonne conseillère. Il s’agit d’affronter paisiblement les épreuves, grandes ou plus petites, quand elles surviennent.
L’attitude opposée est le cynisme : ceux qui croient avoir tout vu et tout expérimenté et qui relativisent les tentations ou le fait d’y succomber. « D’autres l’ont déjà fait, ils ne s’en portent pas si mal, alors pourquoi nous compliquer la vie », pourraient-ils dire. Dans l’évangile Jésus mène un combat pour repousser un agresseur, le démon, qui veut nier son identité : « si tu es le Fils de Dieu… » (v. 3 et 9) et le pousser à la compromission par convoitise : « si tu te prosternes devant moi tu auras tout cela » (v. 7).
Nous l’avons expérimenté face à la pandémie depuis deux ans et nous l’expérimentons face à un conflit sur notre continent. Nous nous sentons impuissants et cela présente au moins un avantage, celui de détruire nos fausses certitudes et le sentiment de confort. Dans cet évangile, Jésus nous donne un exemple qui peut être notre chemin du carême : affronter paisiblement les épreuves quand elles surviennent sans peur et conscients de notre dignité d’enfants de Dieu.
P. Vincent Thiallier