Étoile du matin, inaccessible Reine,
Voici que nous marchons vers Votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine.
Ainsi nous naviguons vers Votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale.
Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de Votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire.
Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.
Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours.
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches…
Nous sommes nés pour Vous au bord de ce plateau,
Dans le recourbement de notre blonde Loire,
Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloire
N’est là que pour baiser Votre auguste manteau.
Un homme de chez nous, de la glèbe féconde
A fait jaillir ici d’un seul enlèvement,
Et d’une seule source et d’un seul portement,
Vers Votre assomption la flèche unique au monde.
Tour de David, voici Votre tour beauceronne.
C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans Votre couronne.
Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la Croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois,
La Flèche irréprochable et qui ne peut faillir.
C’est la Pierre sans tache et la Pierre sans faute,
La plus haute Oraison qu’on ait jamais portée,
La plus droite Raison qu’on ait jamais jetée,
Et vers un ciel sans bord la Ligne la plus haute ».
Ainsi soit-il.